Claire-Strauss

Claire-Strauss

Morceaux choisis / Le chêne de Lola/ Strauss Claire

Présentation:

 



Le chêne de Lola ©, mon premier roman écrit , le second publié aux éditions Cécile Langlois .
Dans ce roman, je raconte l'histoire de Lola, d'un chêne immense, d'un coin de nature.

 

Vous y rencontrerez : une mère dépressive, une nounou adorable, une urne maudite, un enfant abandonné par sa mère et Sylvia la mystérieuse.

 

Vous pourrez voir au détour d'un chemin: la montagne de Lure se coiffer de lourds nuages, les paillettes de givre un matin d'hiver, et les gouttes de pluie ornant une toile d'araignée.

 

Vous y sentirez : l'odeur de moisi dans la maison familiale, celle de l'humus sous le chêne, la caresse du vent et des raillons du soleil sur la peau nu, la fraîcheur de la pluie sur le visage.
Mais aussi, le goût des larmes, la brûlure de la gifle, la honte d'être différente, les innombrables humiliations, le déchirement, le tout supporté par une terrible envie d'être heureuse, un désir sauvage de liberté!

Et le chêne, toujours là, présent, rassurant, dans son environnement grouillant de vie où Lola se ressource et apprend à être.

Extraits du roman:



".../Ma mère me coucha dans un couffin d’osier.
— Robert, mon chéri, je te présente ta fille.
L’urne bien calée à mes pieds contenait les cendres de mon père.
Du bout de mes chaussons je la touchai, elle était dure et lisse. Je me recroquevillai.
La voiture démarra et nous partîmes pour la maison. Bercée par les virages et le ronronnement du moteur, je m’endormis.
À mon réveil, ma mère venait d’ouvrir la portière et détacha le panier. C’est ainsi installés que nous pénétrâmes, papa et moi, dans notre maison où régnait une subtile odeur de moisi. Elle me posa dans l’entrée, prit précautionneusement mon père en lui adressant ces douces paroles :

 

— Tu vois mon chéri, on est à la maison. Je suis si contente que tu sois de retour.
Elle déposa le pot de faïence bleu dans le salon, sur un napperon de dentelle au centre du buffet. Pour admirer la scène, elle recula d’un pas, rayonnante.
— Là tu seras bien.
Puis, elle revint me prendre et me mena dans ce qui allait être ma chambre. Elle me coucha sans ménagement dans mon nouveau lit et sortit en claquant la porte derrière elle.

Voilà comment allait débuter notre vie de famille./..."

 

".../Un jour, en montant vers la clairière, je m’arrêtai un instant pour apprécier le paysage. À mes pieds se déployait la vallée du Jabron avec ses cultures et ses villages, en face de moi se dressait la montagne de Lure, grande et majestueuse. /..."

 

".../– Tu n’auras qu’à faire un bol pour ta maman.

– Je veux faire un porte-clefs pour mon papa, déclarai-je sans comprendre.

– Ne dis pas de bêtises, tu n’as plus ton papa, alors tu fais quelque chose pour ta mère, sa voix était cinglante.

– Mais mon papa …

–Ta mère vit seule, ton père est mort. Tu ne vas pas recommencer à me tenir tête. Méfie-toi, je vais me fâcher.

J’allai me rasseoir avec mon bout d’argile et me mis à la pétrir à pleines mains.

Mon père est mort.

Je tournais et retournais cette phrase dans ma tête. Je me battais contre une réalité que je soupçonnais depuis toujours, mais qui n’avait jamais osé se montrer au grand jour. L’image de ma mère parlant avec tant de naturel à mon « petit papa » tournait et retournait sans cesse. Pourtant il était bien là, dans mon quotidien.

Le poids de sa présence pouvait-il n’être qu’imaginaire ?

Pourquoi n’avais-je jamais osé en parler avec Martha ?

Pourquoi avais-je pris tant de précautions pour éviter le sujet ?

Je ne parvins à rien avec mon bout d’argile, mais malaxer cette matière froide, lisse et tendre m’aidait à ne pas partir de la classe en courant. Comme si la terre absorbait un peu mon angoisse.

 

De retour chez moi, je n’attendis pas cette fois d’être en plein repas pour parler, j’attaquai dès le seuil de la porte franchi.

– Maman, Mademoiselle Istori m’a dit que papa était mort.

La phrase tomba comme un oiseau tué en plein vol.

Elle atterrit lourdement à nos pieds, nous surprenant toutes les deux.

Puis tout alla très vite !

Ma mère se réfugia dans sa colère, une colère démentielle.

- Mon Dieu mais ma pauvre fille, t'as pas honte de dire une chose pareille devant ton père ? T’es qu’une méchante fille ! Je l’ai toujours su. Maintenant tu vas t’excuser devant ton père !

Elle pointa l’urne d’un doigt menaçant en me tirant par l’épaule.

Je ne l’avais encore jamais vue ainsi, écumante de rage, les mots sortaient de sa bouche à une vitesse folle.

J’étais pétrifiée.

Soudain, sa main se leva et s’abattit sur ma joue avec violence.

Le choc me projeta à terre !.../"

 

 

 

".../Je laissai Martha à ses lectures et partis explorer cet endroit fascinant.
Je découvris rapidement un petit sentier zigzaguant entre les buissons qui aboutissait à un ruisseau. Dans ce périmètre, l’herbe était épaisse et tendre. L’eau était transparente et peu profonde.
Je me déchaussai, relevai mon pantalon jusqu’aux genoux, et entrai dans l’eau avec précaution car les pierres étaient glissantes.
Un troglodyte que je devais déranger sur son territoire sautillait d’un bord à l’autre du ruisseau en piaillant. Je l’observai avec amusement tout en jouant dans le courant glacé.
De retour à la clairière, je trouvai Martha endormie. Je contemplai un moment ce surprenant tableau : l’arbre majestueux, Martha, dans sa robe bleue nuit, couchée sur la couverture vermillon dans l’herbe verte. Une légère brise feuilletait les pages de son roman, ce seul mouvement perceptible donnait vie à la scène./..."

 

".../C’est en plein cauchemar qu’Huguette se réveilla, les draps et les cheveux collés par la sueur. Ces images terribles restèrent imprimées dans sa mémoire. Elle était enfermée dans la salle d’opération, complètement nue. Dans ses bras, un porcelet déguisé en tournesol tenait dans son groin son sein douloureux et ne voulait pas le lâcher. La douleur était insupportable et l’effroi à son comble, quand, dans un hurlement qui ne voulait pas se faire entendre, elle se réveilla.
Sa poitrine, brûlante et horriblement douloureuse, avait triplé de volume. Elle osait à peine y poser le bout des doigts.
Depuis combien de temps dormait-elle ? Elle n’en avait aucune idée.
Le store était baissé, le peu de lumière qui éclairait la chambre venait du couloir et filtrait sous la porte.
Elle trouva l’interrupteur contre le mur à droite de son lit, une lumière crue l’éblouit un instant. Elle constata qu’elle était toujours en blouse, mais que sa robe et ses sandales se trouvaient sur une chaise près de la fenêtre. Elle sonna pour appeler une infirmière. En attendant son arrivée, elle se passa de l’eau froide sur le visage dans la petite salle de bains attenante à la chambre.
La sage-femme qui arriva était une jeune aux traits angéliques, sa voix était douce comme si elle passait ses journées à sucer des bonbons au miel /..."

 

"../- Qu'est-ce qu’il y a Lola ? Je ne t’ai jamais vue comme ça, on dirait que tu viens de perdre quelqu’un.

Cette phrase de Céline, qui me regarde avec de grands yeux ronds en mangeant son croque-monsieur, me frappe en pleine poitrine. Je comprends enfin, du moins je crois comprendre. Tout paraît évident, il arrive quelque chose à la clairière.

Il faut que j’y aille !

Je dois partir maintenant.

Je me lève et dis à Ali et Céline :

- Je dois partir, c’est urgent, je ne peux pas vous expliquer.

- Mais tu ne peux pas partir là tout de suite ! Comment va-t-on faire sans toi ? Demande Céline soudain catastrophée.

- Que se passe-t-il, Lola, dis-nous, s’inquiète Ali.

- Je répète : je ne peux pas vous expliquer, c’est une question de vie ou de mort. Je dois partir, je le sens.

- Tu seras là ce soir ? Demande Ali.

- Je ne sais pas, j’en sais rien.

- Mais enfin Lola ! S’exclame Céline.

- Laisse-la, on se débrouillera, je vais appeler Naïma, elle pourra sûrement venir, reprend Ali, l’air grave. Vas-y Lola, fais attention à toi.

Je quitte la brasserie à toute vitesse.

En m’approchant de la rue Frédéric Mistral, je me rends compte que j’ai oublié mon blouson, avec les clefs de la voiture. Tant pis, je ne peux pas retourner sur mes pas.

Je vais à la clairière à pied.

À chaque minute qui passe mon angoisse s’intensifie.

Quelque chose arrive à Sylvia, je le sais, je le sens.

Mon cœur s’emballe,

je cours,

je marche,

je perds mon souffle.

 

J’ai peur. /..."

 



11/10/2016
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 34 autres membres